La loi Blanquer s'impose comme une loi importante pour ses conséquences structurelles à long terme sur l'École. Les Établissements Publics des Savoirs Fondamentaux (EPSF) initialement prévus dans le projet de loi devraient se traduire par une réorganisation du primaire, la rentabilisation des structures et des fermetures de classes, particulièrement en zone rurale. Mais cette loi vise également à construire un marché de la formation supérieure. Pour ce faire, au lieu d’ouvrir l’Université à tous, elle y adapte les logiques déjà à l’œuvre dans les formations sélectives telles que les classes préparatoires aux grandes écoles, les écoles de commerce ou les instituts d’études politiques. Pensée par des individus issus de ses rangs, elle est parfaitement adaptée pour les classes supérieures et les fractions des classes moyennes déjà convaincues des bienfaits du néo-libéralisme. L'article que nous reproduisons ici, publié de façon anonyme en avril 2018 sur le site https://paris-luttes.info, en fait une bonne synthèse et en dénonce les dangers.
La Rédaction du blog
La réforme Blanquer-Mathiot : la
sélection néo-libérale au service des
classes supérieures
Les classes privilégiées trouvent dans l’idéologie que l’on pourrait appeler charismatique (puisqu’elle valorise la « grâce » ou le « don ») une légitimation de leurs privilèges culturels qui sont ainsi transmués d’héritage social en grâce individuelle ou en mérite personnel. Ainsi masqué, le « racisme de classe » peut s’afficher sans jamais apparaître. Cette alchimie réussit d’autant mieux que, loin de lui opposer une autre image de la réussite scolaire, les classes populaires reprennent à leur compte l’essentialisme des hautes classes, et vivent leur désavantage comme destin personnel. »
Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les héritiers, les étudiants et la culture, Paris, Éditions de Minuit, 1964, p. 106-107.
Les réformes mises en œuvre par le gouvernement Macron concernant l’Université et le lycée -les deux étant inséparables- visent à légitimer, et renforcer les inégalités économiques et la hiérarchie sociale en en faisant supporter la responsabilité aux individus eux-mêmes et particulièrement à ceux issus des classes populaires. Les inégalités économiques et sociales, qui se sont particulièrement renforcées ces dernières décennies -comme l’ont très bien montré les travaux de Piketty et Saez- ne résultent alors plus d’une structure sociale ou encore d’une organisation de la société en classes distinctes ou encore d’un fonctionnement inégalitaire de l’économie, d’une problématique commune et politique, mais relèvent d’un choix individuel. Les individus deviennent responsables de leur situation : s’ils ne sont pas des winners, des vainqueurs, s’ils sont pauvres, cela est leur faute, ils n’ont pas fait les bons choix (que les gagnants ont évidemment faits).
Ces réformes portent un changement profond des politiques publiques éducatives. Il
ne s’agit plus d’accompagner un mouvement de fond de scolarisation en créant des collèges, des lycées, des universités, des postes de professeurs, d’éducateurs et de personnels techniques, mais de passer à une logique de l’offre. Les politiques publiques scolaires ne répondent alors plus à une demande sociale, mais adoptent la logique de l’offre -tout comme la politique de l’offre est devenue l’alpha et l’oméga des politiques économiques des gouvernements successifs, de « gauche » comme de droite.
Cette logique peut s’énoncer ainsi :
➢ Le marché scolaire est un marché comme les autres. Il est le lieu de la rencontre entre l’offre et la demande et l’égalisation entre les deux termes se fait par la variation des prix.
➢ La rencontre entre l’offre scolaire (les universités) et la demande scolaire (les lycéens) se fait par la variation des attendus des universités c'est-à-dire les prérequis pour intégrer les formations. Si l’offre scolaire est supérieure à la demande scolaire les attendus baissent, si la demande scolaire est supérieure à l’offre scolaire les attendus augmentent, entraînant un effet d’éviction d’une partie de la demande scolaire c'est-à-dire une sortie du marché d’une partie de la demande scolaire.
Dès lors que l’université n’est plus considérée comme un bien public répondant à l’intérêt général, mais comme un marché, il faut faire incorporer la logique du marché aux lycéens et à leur famille. Le rôle des institutions est alors essentiel, car ce n’est qu’au travers de leur médiation que les individus agissent. La forme de l’institution, ce qu’elle permet et ce qu’elle ne permet pas, les sens interdits, les sens uniques et les voies de garage qu’elle offre, sont le cadre dans lequel agissent les individus. Elle détermine les comportements. Les réformes du lycée de Jean-Michel Blanquer et la refonte d’APB en Parcoursup s’inscrivent dans ce sens. Elles visent à transformer les lycéens en entrepreneurs de scolarité. Ils doivent donc penser et se penser comme acteurs d’un marché scolaire, déterminant leur place dans leur société et donc faire les bons choix. Il s’agit en somme de les transformer en homo scolaricus rationnel(1).
Le soubassement théorique est encore à aller chercher du côté des économistes et
particulièrement de la théorie du capital humain de Gary Becker(2). Pour ce dernier, les individus disposent d’un capital humain sur le modèle du capital économique qu’il s’agit de valoriser en vue d’accéder à des ressources rares, en particulier des avantages économiques. Chacun doit alors calculer combien lui rapportent sa poursuite d’études, ou son arrêt, et la rentabilité des études poursuivies(3).
La mise en place de Parcoursup reprend cette logique. Parcoursup est le logiciel par lequel les lycéens de terminale choisissent leur poursuite d’études. Ils peuvent y effectuer jusqu’à dix demandes d’inscription dans une filière du supérieur. Pour chaque demande, les attendus des filières en termes de savoirs et de savoir-être sont exposés. De même, les taux de réussite et les débouchés des études supérieures sont publiés. Enfin, pour chaque demande, quelle qu’elle soit, dans une école spécialisée ou à la faculté, les lycéens doivent faire une lettre de motivation et déposer un CV. Il s’agit alors de montrer en quoi le profil du lycéen correspond à l’offre.
Lors du conseil de classe du second trimestre de terminale, les bulletins des classes de
première et des deux premiers trimestres de terminale sont remontés dans Parcoursup et visibles par les établissements d’accueil du supérieur. A ceci s’ajoutent plusieurs éléments déterminants dans l’acceptation des demandes des élèves. Il est demandé aux professeurs principaux pour chaque élève de déterminer si les compétences suivantes, « méthodes de
travail », « autonomie », « capacité à s’investir » et « engagement et esprit d’initiative » sont « très satisfaisantes », « satisfaisantes », « assez satisfaisantes », « peu démontrées » (sauf pour la dernière où il s’agit de savoir seulement si elle est « très satisfaisante », « satisfaisante » ou « absence d’éléments d’évaluation »). De plus, un encart est laissé au choix des professeurs principaux pour apporter « d’autres éléments d’appréciations du profil ». Le chef d’établissement détermine ensuite, après l’avis du conseil de classe, « la cohérence du vœu
formulée avec le projet de formation motivé » en stipulant si celui-ci est « très cohérent »,
« cohérent », « peu cohérent », « incohérent ». Enfin, il détermine également, à propos de « la
capacité à réussir » de l’élève, si celle-ci est « très satisfaisante », « satisfaisante », « assez
satisfaisante », « peu démontrée ». Enfin un encadré libre existe où le chef d’établissement peut porter son avis sur « la capacité à réussir de l’élève dans la formation visée ».
C’est donc à partir de ces items cochés, des notes et des bulletins que les élèves verront -ou non- acceptées leurs demandes de poursuite d’études. Les algorithmes servent alors à classer les demandes, à les hiérarchiser selon les critères scolaires (les bulletins et les notes) et selon les « compétences » et « cohérence » du projet de l’élève. Dans les conseils de classe, pour les filières sélectives type classes préparatoires ou écoles, il est admis que toute compétence non classée comme « très satisfaisante » correspond alors à un refus, le dossier se trouvant alors relégué sous la pile.
Ainsi, pour que la poursuite d’étude soit acceptée, il faut que l’élève ait incorporé les critères attendus des études supérieures, là où auparavant, la possession du baccalauréat était l’unique critère d’accession à l’Université. Ainsi les ambitions des élèves doivent être ajustées à leurs capacités scolaires. Or il n’y a rien de plus déterminé socialement, notamment en France, que les capacités scolaires. Les travaux pionniers de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron ont ouvert la voie aux études sur la reproduction sociale au travers de l’École et n’ont jamais été démentis jusqu’à aujourd’hui(4). En ce sens la réforme Blanquer ne fera qu’aggraver les inégalités sans se donner les moyens de lutter contre -ce qui coûte trop cher au regard des critères de Maastricht et des technocrates. Il n’est pas exagéré de parler d’un abandon des politiques de diffusion à un public le plus large possible des savoirs et des connaissances, et donc du rôle émancipateur que peut avoir l’Université.
Pour que cette transformation des élèves en homo scolaricus rationnel soit parfaite, il faut qu’elle s’inscrive dans des dispositifs performatifs plus importants. En effet, c’est un habitus
c'est-à-dire des réflexes et des schèmes de perception et d’action qu’il s’agit de forger, et donc le temps long est nécessaire. En ce sens, la réforme du lycée sera le parachèvement de cette transformation.
Le lycée devrait changer de fond en comble d’ici un an. Il est prévu la fin des filières générales et technologiques au profit d’un lycée « à la carte ». La classe de seconde restera une classe de détermination de la poursuite d’études. Les lycéens auront alors un enseignement de 54 heures annuelles, appelé « éducation au choix de l’orientation ». Il s’agira alors, pour eux, de déterminer les enseignements de spécialités qu’ils suivront dans les classes de première et de terminale en vue de leur accès aux filières universitaires qu’ils auront choisies. En effet, lors de la classe de première, les lycéens devront choisir trois matières dites de spécialités(5) et en garder deux en classe de terminale en sus d’un tronc commun réduit. Il faudra donc que les lycéens fassent les bons choix, suivant leur souhait de poursuite d’étude, pour que les deux enseignements de spécialités choisis correspondent aux attendus des filières universitaires. On peut faire l’hypothèse réaliste qu’un élève ayant pris comme binôme de spécialités « Arts » et « Humanités, littérature et philosophie » sera de fait exclu d’une poursuite d’étude en faculté d’économie (il manque la dominante « Mathématiques » et « Économie »), en faculté de droit (il manque la dominante « Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques »), en STAPS (il manque la dominante « Biologie-écologie »), en faculté de psychologie (il manque la dominante « Mathématiques »), etc. Il se peut qu’il ne soit pas complètement exclu mais que son dossier soit très loin sous la pile : son acceptation de son choix d’orientation -au cas où il ne correspond pas à son profil de lycéen- dépendra alors des places disponibles. Il s’agit alors, comme nous l’avons expliqué plus haut, d’une logique de marché où le prix qui égalise l’offre et la demande correspond aux attendus des universités.
Ainsi dès la fin de la classe de seconde, il faudra que les lycéens connaissent la voie
qu’ils vont suivre dans les 5 ans. Évidemment, il y aura des ratés. Dès lors, des entreprises privées de remédiation feront leur apparition. Des cours privés permettront, certification à l’appui, de pallier l’absence d’une spécialité par des cours particuliers. Le lycéen s’étant trompé ou voulant changer d’orientation devra alors se payer les cours que le lycée ne lui aura pas dispensés. Parcoursup étant bien fait, cette possibilité est déjà anticipée, car il est possible, pour son dossier d’inscription, de mettre en avant des compétences personnelles si elles permettent d’éclairer les jurys de sélection. Ainsi aux inégalités sociales se surajouteront des inégalités économiques. Il existe déjà, suite à la mise en place de Parcoursup, des officines privées et payantes qui proposent de faire les inscriptions à la place des élèves, en rédigeant leur lettre de motivation. À côté des cours privés, il existe des coachs de l’orientation(6). Cette réforme sera donc aussi celle de la création d’une nouvelle source de profits pour les entreprises de soutien et de cours particuliers.
Certaines critiques, justifiées, ont souligné que les familles n’étaient pas toutes armées de la même manière pour anticiper les conséquences des choix des spécialités des lycéens. Très concrètement les familles des classes supérieures sont celles qui ont une connaissance et des stratégies scolaires de réussite très poussées. Il apparaît alors clairement que ce sont elles qui vont sortir gagnantes de cette réforme tant cette dernière est calquée sur leur raisonnement, sur leur rationalité(7). Les économistes ont une réponse toute faite à cette critique. En effet, ils admettent volontiers qu’il peut y avoir des différences d’informations entre les parties prenantes sur un marché : l’offre peut connaître des informations essentielles sur le produit échangé, mais ne pas transmettre ces informations aux demandeurs. C’est ce que l’on appelle les asymétries d’information. La réforme Blanquer-Mathiot prend en compte ce problème et réduit alors les problèmes d’orientation à des problèmes d’asymétries d’information entre l’offre et la demande et les demandeurs eux-mêmes (c’est-à-dire entre les familles aisées très mobilisées dans le choix des cursus et les familles populaires plus ou moins dépossédées face aux enjeux scolaires). Tel est le sens des 54 heures annuelles « d’éducation au choix de l’orientation » : pallier les asymétries d’information. Les inégalités sociales et l’inégalité des chances à l’école se trouvent alors réduites à un problème d’inégalité d’information.
En résumé, la réforme Blanquer-Mathiot vise à construire un marché de la formation
supérieure. Pour ce faire, au lieu d’ouvrir l’Université à tous, elle y adapte les logiques déjà à l’œuvre dans les formations sélectives telles que les classes préparatoires aux grandes écoles, les écoles de commerce ou les instituts d’études politiques. Pensée par des individus issus de ses rangs, elle est parfaitement adaptée pour les classes supérieures et les fractions des classes moyennes déjà convaincues des bienfaits du néo-libéralisme(8). À tel point qu’on se demande si elle n’est pas faite uniquement pour elles, en abandonnant toute ambition de démocratisation des savoirs. Plus généralement, les changements institutionnels que cette réforme porte visent à transformer les lycéens et leur famille en comptable individuel de leur capital humain, en homo scolaricus rationnel. La situation économique et sociale des individus devient alors le résultat de leurs choix. Les inégalités sociales et la pyramide sociale se trouvent alors légitimées et justifiées. Bien évidemment, quiconque connaît un tant soit peu le fonctionnement ordinaire du monde social sait pertinemment que les actions des individus ne relèvent pas d’un choix libre, mais sont contraintes par leur environnement social, matériel, géographique, économique et culturel. Enfin cette réforme est un déni de société puisque ce
qui ne compterait alors ce n’est plus le partage des connaissances, mais les égoïsmes individuels.
Il faut donc rejeter en bloc la réforme Blanquer-Mathiot et réclamer une véritable ambition de démocratisation scolaire. Il ne serait pas illogique de demander que l’Université obtienne des financements inversement proportionnels aux pourcentages d’enfants de milieux populaires qu’elle accueille. On peut rappeler que les élèves de Polytechnique ou des Écoles normales supérieures sont payés pour leurs études, pourquoi pas les étudiants ? D’autre part, le baccalauréat, quel qu’il soit, doit demeurer l’unique passeport d’accès à l’Université. Il faut donc demander que les choix relevant de l’Université soient acceptés d’office -sans CV, lettre de motivation ou autres barrières à l’entrée.
Notes
Bernard Walliser, directeur d’étude en économie à l’EHESS, dans une tribune publiée par Le Monde, rappelait
très justement que la croyance dans l’homo œconomicus rationnel avait conditionné la mise en place
d’institutions et de réformes basées sur ce modèle, ce comportement finissant par être incorporé par les acteurs
eux-mêmes selon le principe de l’action performative. WALLISER Bernard, « Réformes Macron : « Le modèle de
l’homo œconomicus » est devenu « une croyance autoréalisatrice », Le Monde, 31/03/2018.
L’influence de Gary Becker, prix Nobel d’économie, est très importante car sa théorie est enseignée au lycée
comme dans les facultés comme une description du réel. Il appliquait d’ailleurs cette théorie de l’agent rationnel
à tous les niveaux, la délinquance relevant alors d’un calcul coût/avantage.
Le journal Les Échos pouvait ainsi publier un article « Bac+2 vs Bac+5 : le match des salaires » en supposant,
conformément à la théorie du capital humain, que les étudiants faisaient – ou devraient faire – un calcul
coût/avantage de la poursuite d’études. Cet article chiffrait même les espérances de gains sur une vie de labeur.
Le tronc commun se compose des matières suivantes : Français, Histoire géographie, langue vivante 1 et 2,
Éducation physique et sportive, Enseignement scientifique, Enseignement moral et civique. Les enseignements de spécialités se composent des matières suivantes : Arts, Biologie-écologie, Histoire-géographie géopolitique et sciences politiques, Humanités, littérature et philosophie, Langues et littératures étrangères, Mathématiques, Numérique et sciences informatiques, Physique-chimie, Sciences de la vie et de la Terre, Sciences de l’ingénieur, Sciences économiques et sociales.
« Parcoursup, un nouveau marché pour les acteurs privés du conseil en orientation », Le Monde, 9 mars 2018.
Il n’est guère étonnant que le rapport qui a servi de base à l’élaboration de cette réforme l’ait été sous la
direction d’un ancien directeur de l’Institut d’études politiques de Lille, Pierre Mathiot, qui n’a jamais enseigné à
l’Université et n’est jamais passé par l’Université dans ses études (il est diplômé de l’IEP de Paris). Il provient donc
d’une filière sélective où les entrées se font par concours et projette alors cet univers mental sur l’ensemble du
système scolaire français. Ce dernier devient alors uniquement, à l’image des concours, un système de
classement et de hiérarchie des individus. Comme le rappelle Stéphane Beaud, l’Université, à la différence des
filières élitistes, a accompagné le mouvement de démocratisation scolaire et a permis à nombre d’enfants d’accéder à des diplômes supérieurs et à des emplois qualifiés. Elle a fait son job en
grande partie, là ou les filières élitistes se gardaient bien d’ouvrir leurs portes – à part avec quelques filières
« vitrines » telles que les « conventions éducation prioritaire ». Stéphane Beaud & Mathias Millet, « La réforme
Macron de l’université », La Vie des idées, 20 février 2018.
Ainsi il ne faut pas se leurrer : cette réforme est soutenue par les classes supérieures et les classes moyennes qui
pensent sortir gagnantes de cette concurrence scolaire et qui ont déjà des stratégies très développées
(contournement de la carte scolaire, cours de soutien, pratique d’une discipline distinctive, fuite vers le privé...).
Centro Indígena de Capacitación Integral (CIDECI-UniTierra Chiapas)
La idea generalizada que tenemos de la Universidad es la de un lugar en el que estudiar durante un tiempo y acabar consiguiendo un título que certifica el supuesto aprendizaje obtenido. La continua mercantilización de la enseñanza promovida por el sistema capitalista también nos lleva a pensar en la Universidad como un lugar excesivamente caro, al que solo algunos tienen la posibilidad de ingresar y en el que, finalmente, recibes un título que ya no te sirve para trabajar (y que, a veces, tampoco refleja los conocimientos adquiridos). Si pensamos en alguna facultad concreta acabamos pensando en un edificio grande, de hormigón gris, quizás adornado con un césped y formado por las últimas tecnologías (en lo que sea). A veces también pensamos en facultades que se caen a pedazos y aulas masificadas. Esto es exactamente lo que no quería el Doctor Raymundo Sánchez Barraza. El Centro Indígena de Capacitación Integral – Universidad de la Tierra (CIDECI-UniTierra) se plantea como todo lo contrario a esa concepción capitalista del aprendizaje que tan asumida tenemos. Por eso es imposible acercarse al proyecto (hoy realidad tangible) sin que se derrumben los esquemas aprehendidos. No se concibe entender el Sistema Indígena Intercultural de Aprendizaje sin la destrucción de lo establecido. Este proyecto comienza a andar en 1983, sin embargo, no es hasta 1989 que se define como autónomo. En ese año es auspiciado por el obispo de San Cristóbal de las Casas, Samuel Ruiz, conocido por su labor indigenista y de apoyo a los pueblos originarios del Estado de Chiapas. Y por ser obispo de la ciudad durante más de 40 años (hasta que el poder consiguió alejarlo de allí para que dejara de provocar fallas en el sistema). Coordinado en todo momento por Raymundo Sánchez Barraza, quién también regala su vida a la causa indigenista. En 1994 los ideales zapatistas se entroncan con los del CIDECI y no se entiende su filosofía sin ellos. Según su coordinador (quien suelta una carcajada al momento de dirigirnos a él como Rector) la denominación de Universidad es un acto de rebeldía, una respuesta a las burlas del sistema al referirse a ellos y al no considerar la capacitación que allí se recibe como un aprendizaje real. Y es que UniTierra ni es oficial ni busca el reconocimiento oficial, sino el de los pueblos y las comunidades indígenas. Indudablemente, ese ya lo tiene. Entonces “¿por qué no podemos tener el prestigio de las universidades?”, se pregunta Raymundo Sánchez.
Estructura y organización
Niños y niñas venidos de comunidades indígenas, a partir de los 12 años y con independencia de que sepan leer o escribir o de que conozcan el idioma castellano. Este es el perfil de los y las alumnas que ingresan al centro. No hay un número fijo de estudiantes en cada momento, ya que si lo normal es que se tomen cursos de (más o menos) 9 meses, jóvenes van y vienen según su disponibilidad. Pueden tomar 15 días de curso, un mes o varios años. Dependiendo de la distancia entre su comunidad y el centro, quienes allí estudian estarán internos o externos. Esto es, quienes vienen de comunidades más lejanas serán internos y harán uso de los albergues con los que cuenta el centro mientras que quienes residan en comunidades circundantes estarán externos, yendo y viniendo a sus cursos a diario. Así como el número de alumnos es variable en cada momento, lo que si se mantiene es la proporción de hombres y mujeres. Sobresalen los chicos sobre las chicas. En número, claro. También son constantes los y las estudiantes que desconocen el castellano al llegar a sus cursos. Las lenguas que predominan son el tzotsil, el tzeltal y el ch’ol; aunque son muchas más las que se cruzan en los talleres del CIDECI. Los profesores conocen esas lenguas, aunque no siempre hablan a los y las alumnas en su lengua materna, “porque si no nunca aprendemos” como dice uno de los chicos que allí desarrolla su actividad.
Los saberes que se imparten van desde cursos de tortillería y panadería (con los que se abastece el comedor en el que colaboran los y las estudiantes) hasta cursos de herrería, electricidad, carpintería y alfarería. Es gracias a la aplicación de estos aprendizajes que el centro es lo que es hoy en día, ya que ha sido totalmente construido por quienes allí estudian. Igual que la mantención del mismo. Un ejemplo, las cortinas se hacen en el taller de telares, y luego se cosen y preparan para su uso en el taller de corte y confección y luego, en el caso de que queramos que las cortinas lleven algún motivo dibujado este se hará en el taller de pintura. Así cualquier cosa que veamos en el vasto terreno del CIDECI habrá sido construida gracias a los saberes que allí se han transmitido. Todo esto sin dejar a un lado la música, mecanografía o computación, donde además se practica el arte de arreglar con las manos todos los instrumentos necesarios para estas actividades. Junto con estos saberes hay unas cuantas áreas de estudios como son: Derecho Autónomo, Arquitectura Vernácula, Agroecología, Hidrotopografía, Administración de Iniciativas y Proyectos comunitarios, Interculturalidad o Análisis de los Sistemas – Mundo. Al terminar su estancia en la UniTierra, los y las alumnas reciben apoyo en un proyecto para aplicar sus conocimientos en la comunidad de la que provienen. Así se les surte de conocimientos, asistencia y las herramientas necesarias para echar a andar sus ideas en sus comunidades. Unas ideas que luego repercutirán en sus compañeros más cercanos facilitándole o mejorándole sus vidas en comunidad ¿Cómo no considerarla Universidad, cuando quizás sea la más digna de todas?
Instalaciones y autonomía
La autonomía se respira en el aire de la Universidad de la Tierra. En el taller de zapatería se hacen los zapatos para los y las alumnas, el huerto ofrece las verduras que se cocinarán en el comedor, pero también las que sirven de alimento a los animales de la granja (conejos, borregos, ocas, cerdos, gallinas y pavos). Trabajar en el mantenimiento de estas instalaciones es la reciprocidad que ofrecen quienes allí estudian a cambio de la gratuidad lugar. Y a su vez, todo lo producido sirve para abastecer a las personas que allí residen. ¿Y la luz y el agua? Evidentemente, no vienen por parte del gobierno o de alguna institución oficial ya que lo único que se ha recibido por parte de estos ha sido un cruel hostigamiento. La CFE (Comisión Federal de Electricidad) ha merodeado por la zona de manera amenazante en busca de pagos. Eso se supera gracias a la instalación de generadores de electricidad. El agua que abastece a todos y que corre por el sistema de riego que hay instalado proviene de un profundo pozo cavado en sus terrenos. Autonomía total.
Cada jueves los y las estudiantes se reúnen aquí para tratar temas de actualidad, movimientos sociales o problemas que se planteen en sus comunidades.
Lejos de tener carencias, la Universidad de la Tierra se muestra como un paraíso. Las instalaciones y su integración en la naturaleza distan mucho de lo que podemos pensar de esta universidad sin zapatos, como se autodenomina. Además de las decenas de talleres (entendidos como lugar físico), del comedor y de las construcciones que guardan los generadores; son varias las salas para seminarios y aulas que se prestan a otros movimientos sociales. Una colorida capilla se presta a la realización del culto y un enorme auditorio se abre a grandes celebraciones y tiene siempre las puertas abiertas al EZLN, quien celebró en dicho auditorio la Clausura del Primer Festival de las Resistencias y las Rebeldías Contra el Capitalismo este pasado mes de enero.
Filosofía e inspiración
Además de inspirarse en el EZLN y el obispo Samuel Ruiz, este centro por y para indígenas se asienta sobre los principios de Imanuel Wallerstein y de Iván Illich. Del primero agarran su análisis sobre el capitalismo basado en conceptos como Sistema – Mundo. Es de Iván Illich de quien beben sus concepciones acerca de la enseñanza, el aprendizaje y la desescolarización. Se olvidan del tipo de enseñanza impuesto por el capitalismo al que hacíamos referencia al comienzo de este texto y priman el aprendizaje en relación con las personas. Cómo diría Illich en La sociedad desescolarizada:
Los profesores de habilidades se hacen escasos por la creencia en el valor de los títulos. La certificación es una manera de manipular el mercado y es concebible sólo para una mente escolarizada. La mayoría de los profesores de artes y oficios son menos diestros, tiene menor inventiva y son menos comunicativos que los mejores artesanos y maestros.
La instrucción libre y rutinaria es una blasfemia subversiva para el educador ortodoxo. Ella desliga la adquisición de destrezas de la educación ‘humana’, que la escuela empaca conjuntamente, y fomenta así el aprendizaje sin título o permiso no menos que la enseñanza sin título para fines imprevisibles.
Dos citas muy prácticas para entender la filosofía del CIDECI que se basa en tres principios inquebrantables: “aprender haciendo”, “aprender a aprender” y “aprender a ser más”. Estos principios ejercen de guía principal a la vez que sirven de bola de demolición contra lo ya impuesto en materia de educación por el sistema actual. Una red entretejida por y para los indígenas de la mano del “Doc” Raymundo. “Seguir haciendo, seguir formando sin perder de vista las directrices del EZLN y de los pueblos originarios”. Porque la Universidad de la Tierra es por y para ellos.
Facultad de ciencias sociales de la universidad de Valencia (España)
La investigación científica nos permite comprender la relación entre las personas y su medio natural, las dinámicas estructurales de igualdad o desigualdad de las sociedades en las que viven y los procesos históricos que les han originado. Nos proporciona saberes teóricos e instrumentos tecnológicos para intervenir sobre los problemas que asolan nuestro medio ambiente y nuestra realidad social. En las universidades públicas la investigación científica complementa a la actividad docente y ambas deben contribuir a la libertad y el bienestar colectivo de las sociedades que las sostienen. Desde dicho compromiso y ante la gravedad de la crisis civilizatoria que la pandemia del coronavirus está acelerando los promotores de este manifiesto miembros de la Universidad de Valencia, nos sentimos en la obligación de trasladar a la sociedad las siguientes consideraciones:
La evidencia científica es una condición necesaria pero no suficiente para transformar, en un sentido progresista, la realidad social. La excelencia de la investigación científica en las universidades públicas es inseparable de su conciencia ciudadana y de la capacidad de promover la participación ciuadana en la decisión sobre los fines y los usos sociales de la ciencia. En este sentido es necesario recorder, como ha señalado entre otros Richard Horton, editor de la prestigiosa revista científica The Lancet, que en los últimos años, las principales conclusiones de las investigaciones en el ámbito de la salud pública y la epidemiología advirtieron reiteradamente del riesgo de la pandemia actual; constataron que nuestras sociedades no estaban preparadas para afrontar dicho riego y, en consecuencia, instaron a los gobiernos a tomar medidas urgentes para paliar sus futuras consecuencias. Sin embargo, tal y como está ocurriendo desde hace décadas con las recomendaciones de las investigaciones sobre la crisis ecológica y el cambio climático, tales advertencias no sólo se ignoraron sino que incluso en determinados países como el nuestro dieron lugar a políticas sociales que, mediante los recortes del gasto público y las privatizaciones, han deteriorado todavía más los servicios y las infraestructuras públicas. La ciencia sin conciencia ciudadana es sólo otro tipo de negocio mercantil.
En la última década, dichos recortes también han deteriorado gravemente las universidades públicas españolas. Han precarizado las condiciones laborales de sus trabajadoras y trabajadores más vulnerables; han descuidado su formación y han asumido, con muy pocas críticas, el modelo neoliberal de la rentabilidad mercantil en la investigación en la gestión administrativa. El COVID-19 ha llegado a una universidad publica cada vez menos pública, cada vez más sometida a criterios de mera rentabilidad, y cada vez menos democrática. Nuestro confinamiento de hoy acentúa y hace más visibles las carencias de este modelo de universidad mercantil que ya había confinado en sus despachos a amplios sectores del PDI, que los había enclaustrado, desorientado y alejado de cualquier sentido de comunidad universitaria y de compromiso colectivo. Frente al ‘sentido común neoliberal’ que nos ha invadido es necesario repetir lo obvio: las universidades públicas no son empresas económicas. Es necesario abandonar este modelo. Es necesario regresar a una universidad pública comprometida con la transformación progresista de la sociedad que la financia.
Desde las consideraciones anteriores y ante la gravedad de la crisis civilizatoria que está precipitando la pandemia del Coronavirus es imprescindible poner nuestros recursos docentes e investigadores al servicio de las demandas de la ciudadanía. Nuestra investigación científica conocimientos y nuestros saberes aplicados han de estar a disposición de las necesidades concretas que está situación extraordinaria está provocando en la sociedad valenciana. Para ello, es imprescindible que las universidades públicas habiliten recursos telemáticos y procedimientos de información y comunicación propios con la sociedad valenciana que les permitan, en primer lugar, escuchar y recoger dichas demandas, sanitarias, sociales, psicológicas y humanas y, en función de sus propios recursos, darles respuesta.
Por último, entre la atmósfera de incertidumbres, temores y esperanzas que nos envuelve estos días se abre paso una certeza: cuando termine nuestro confinamiento no vamos a regresar al mismo mundo. De nosotras y nosotros depende, desde hoy mismo, que la conmoción que atravesamos abra el camino hacia una universidad pública que mejore en capacidad docente e investigadora y, también, en conciencia ciudadana y en compromiso con la transformación social.
Valencia, Abril 2020
Promueven este manifiesto: firman este manifiesto enviando un mail a jose.m.rodriguez@uv.es
L’idée de l’Internationale des Savoirs pour Tous est née le 25 mai 2018, au cours d’une journée de débats sur l’Enseignement supérieur et la Recherche (ESR), organisée à l’Assemblée Nationale par « La France Insoumise ».
Alors que se déroulait, au même moment, une énième messe néolibérale liée au processus de Bologne, cette rencontre, intitulée « Pour une Université européenne insoumise » et dont on trouvera ici le programme complet, visait plusieurs objectifs : - passer au crible de la critique les fondements, la mise en œuvre et les conséquences des politiques libérales de l’ESR en France, en Europe et dans le monde, - dresser un état des lieux des luttes des étudiants et des personnels de l’ESR, que celles-ci soient passées ou en cours et au niveau local, national ou à l’échelle internationale, - démontrer qu’il existe désormais, dans quasiment tous les pays, des revendications, des propositions de réforme, des programmes alternatifs aux politiques néolibérales de l’ESR.
Cette journée, qui donna lieu à plusieurs tables-rondes et ateliers dont on peut voir ici la restitution filmée, fut couronnée de succès. D’une part, elle rassembla un large public (étudiants, universitaires, chercheurs, militants associatifs, syndicaux et politiques) en provenance de nombreux pays (Allemagne, Argentine, Colombie, Espagne, France, Grèce, Italie, Royaume-Uni, Suède…). D’autre part, la qualité des interventions, la richesse des débats, furent l’occasion pour les participants d’identifier de multiples points de convergence et donnèrent à chacun l’envie de continuer, de se fédérer.
Au cours de l’été, un appel commun à la création d’un réseau alternatif mondial de l’ESR fut donc rédigé. Intitulé dans sa version française « La science pour le plus grand nombre, pas pour l’argent », il fut traduit en plusieurs langues (anglais, espagnol, italien, portugais) et adressé pour signature aux participants de la journée du 25 mai, ainsi qu’à certains de leurs contacts. Bien que diffusé avec très peu de moyens, cet appel connut un écho certain. Fin 2018, plus de 100 signataires, individus ou collectifs, représentant 22 pays, avaient rejoint le réseau.
Le temps était donc venu de lui donner un nom et de le rendre plus visible, plus actif. Ainsi naquirent « L’Internationale des Savoirs pour Tous » et ce blog pour contribuer à sa vitalité.