Grève scientifique et désobéissance académique : reprenons l’université !

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Voici une initiative de Rébellion scientifique, dans l’esprit comme dans la pratique si peu courante et pourtant si nécessaire que l’Internationale des Savoirs pour Tous (IDST) ne pouvait la rater. Du 4 au 9 avril, Rébellion scientifique appelle à une grande grève mondiale des universitaires et des scientifiques en exigeant des actions immédiates et radicales face à l’urgence climatique. Il appelle en même temps les étudiants à se saisir de cette campagne : « Reprenons l’université ! ». Vous pouvez rejoindre le collectif en signant leur texte reproduit ci-dessous et si vous souhaitez participer à l’une des actions d’avril, toutes les informations sont ici.

Nous sommes des scientifiques et des universitaires qui pensons que nous devons faire éclater la réalité et la gravité de l'urgence climatique et écologique en nous engageant dans une désobéissance civile non violente. Si les personnes les mieux placées pour comprendre ne se comportent pas comme s'il s'agissait d'une urgence, nous ne pouvons pas attendre du public qu'il en fasse autant. Certains pensent que le fait de paraître « alarmiste » est préjudiciable mais nous sommes terrifiés par ce que nous voyons, et nous pensons qu'il est à la fois vital et juste d'exprimer ouvertement nos craintes.

La taille des populations de mammifères, d'oiseaux, de poissons, d'amphibiens et de reptiles a connu une baisse moyenne alarmante de 68 % depuis 1970, ainsi qu'un effondrement apparent des populations de pollinisateurs. À ce rythme, les écosystèmes du monde entier s'effondreront bien avant la fin de la vie des générations actuelles, avec des conséquences catastrophiques pour l'humanité.

Les rétroactions auto-renforcées au sein du système climatique, dans lequel les climats plus chauds provoquent un réchauffement supplémentaire (par exemple, augmentation des feux de forêt, dégel du pergélisol, fonte des glaces) menacent de conduire la Terre de manière irréversible vers un état chaud et inhabitable. Ces effets sont observés des décennies plus tôt que prévu, conformément aux scénarios les plus pessimistes annoncés.

Des vagues de chaleur, des sécheresses et des catastrophes naturelles de plus en plus graves se produisent chaque année, tandis que le niveau des mers pourrait augmenter de plusieurs mètres au cours de ce siècle, déplaçant des centaines de millions de personnes vivant dans les zones côtières. Les scientifiques craignent de plus en plus que des phénomènes météorologiques extrêmes simultanés dans de grandes zones agricoles ne provoquent des pénuries alimentaires mondiales, déclenchant ainsi l'effondrement de la société. Par exemple, la sécheresse en Syrie (2011-2015) a détruit une grande partie de l'agriculture et du bétail du pays, poussant des millions de personnes à se réfugier dans les villes et déclenchant une guerre civile dont le monde est encore sous le choc. Nous sommes confrontés à une crise qui pourrait être des centaines de fois plus grave. Être informé, c'est être alarmé.

Les actions et les plans actuels sont nettement insuffisants, alors même que ces obligations ne sont pas respectées. Le taux de destruction de l'environnement suit de près la croissance économique, qui nous amène à extraire plus de ressources de la Terre qu'elles ne se régénèrent. Les gouvernements et les entreprises cherchent à augmenter la croissance et les profits, ce qui accélère inévitablement la destruction de la vie sur Terre.

  • Pour parvenir à la décarbonisation à l'échelle requise, il faut une décroissance économique, du moins à court terme. Cela n'implique pas nécessairement une réduction du niveau de vie.
  • Pour une transition juste, le coût de la décroissance doit être payé par les plus riches, qui ont énormément profité de l'ordre mondial destructeur actuel, alors que d'autres en ont subi les conséquences.
  • Une transition juste vers un système durable exige que la richesse des 1% soit utilisée pour le bénéfice commun.

Le moyen le plus efficace d'obtenir un changement systémique dans l'histoire moderne est la résistance civile non violente. Nous appelons les universitaires, les scientifiques et le public à nous rejoindre dans la désobéissance civile pour exiger une décarbonisation et une décroissance d'urgence, facilitées par la redistribution des richesses.

Here is an initiative of the collective Scientist Rebellion, in spirit and in practice so unusual but so necessary that the International of Knowledge for All (IKA) could not miss it. From April 4 to 9, Scientist Rebellion calls for the largest global scientific and academic strike in history, demanding immediate and radical action in the face of the Climate Emergency. Simultaneously, they propose the "Take Back the University" campaign to the student body. You can join the collective by signing the following text and if you want to participate to the April actions, all the information are here.

We are scientists and academics who believe we should expose the reality and severity of the climate and ecological emergency by engaging in non-violent civil disobedience. Unless those best placed to understand behave as if this is an emergency, we cannot expect the public to do so. Some believe that appearing “alarmist” is detrimental - but we are terrified by what we see, and believe it is both vital and right to express our fears openly.

The population sizes of mammals, birds, fish, amphibians and reptiles have seen an alarming average drop of 68% since 1970, along with an apparent collapse in the pollinator populations. At this rate, ecosystems around the world will collapse well within the lifespan of current generations, with catastrophic consequences for the humankind.

Self-reinforcing feedbacks within the climate system, in which hotter climates cause additional heating (e.g. increased forest fires, thawing permafrost, melting ice) threaten to drive the Earth irreversibly to a hot and uninhabitable state. These effects are being observed decades earlier than predicted, in line with the worst-case scenarios predicted.

Increasingly severe heatwaves, droughts and natural disasters are occurring year after year, while sea levels may rise by several meters this century, displacing hundreds of millions of people living in coastal areas. There is a growing fear amongst scientists that simultaneous extreme weather events in major agricultural areas could cause global food shortages, thus triggering societal collapse. For example, the drought in Syria (2011-2015) destroyed much of the country’s agriculture and livestock, driving millions into cities and sparking a civil war from which the world is still reeling. We face a crisis possibly hundreds of times more severe. To be informed is to be alarmed.

Current actions and plans are grossly inadequate, and even these obligations are not being met. The rate of environmental destruction closely tracks economic growth, which leads to us extracting more resources from Earth than are regenerated. Governments and corporations aim to increase growth and profits, inevitably accelerating the destruction of life on Earth.

  • To achieve decarbonization on the required scale demands economic degrowth, at least in the short term. This does not necessarily require a reduction in living standards.
  • For a just transition, the cost of degrowth must be paid for by the wealthiest, who have benefited enormously from the current destructive world order, while others have faced the consequences.
  • A just transition to a sustainable system requires the wealth from the 1% to be used for the common benefit.

The most effective means of achieving systemic change in modern history is through non-violent civil resistance. We call on academics, scientists and the public to join us in civil disobedience to demand emergency decarbonization and degrowth, facilitated by wealth redistribution.

He aquí una iniciativa del colectivo Rebelión científica, tan insólita en su espíritu como en su práctica y, sin embargo, tan necesaria que la Internacional del Saber para Todos (IDST) no podía faltar publicarla. Del 4 al 9 de abril, Rebelión científica convoca una gran huelga mundial de académicos y científicos, exigiendo una actuación inmediata y radical ante la emergencia climática. Al mismo tiempo, hace un llamamiento a los estudiantes para que aprovechen esta campaña: "¡Recuperemos la universidad!" Pueden unirse al colectivo firmando el texto reproducido a continuación y para organizar acciones en abril, pueden encontrar la información aquí.

Somos científicos y académicos que creemos que debemos exponer la realidad y la gravedad de la emergencia climática y ecológica mediante la desobediencia civil no violenta. A menos que quienes están mejor situados para entenderlo se comporten como si fuera una emergencia, no podemos esperar que el público lo haga. Algunos creen que parecer "alarmista" es perjudicial, pero nosotros estamos aterrorizados por lo que vemos, y creemos que es vital y correcto expresar nuestros temores abiertamente.

El tamaño de las poblaciones de mamíferos, aves, peces, anfibios y reptiles ha experimentado un alarmante descenso medio del 68% desde 1970, junto con un aparente colapso de las poblaciones de polinizadores. A este ritmo, los ecosistemas de todo el mundo se colapsarán durante la vida de las generaciones actuales, con consecuencias catastróficas para la humanidad.

Las retroalimentaciones que se refuerzan a sí mismas dentro del sistema climático, en el que los climas más cálidos provocan un calentamiento adicional (por ejemplo, aumento de los incendios forestales, descongelación del permafrost, derretimiento del hielo) amenazan con llevar a la Tierra a un estado irreversible de calor e inhabitabilidad. Estos efectos se están observando décadas antes de lo previsto, en consonancia con los peores escenarios pronosticados.

Olas de calor, sequías y catástrofes naturales cada vez más graves se suceden año tras año, mientras que el nivel del mar podría subir varios metros este siglo, desplazando a cientos de millones de personas que viven en zonas costeras. Los científicos temen cada vez más que la simultaneidad de fenómenos meteorológicos extremos en las principales zonas agrícolas pueda provocar una escasez de alimentos a nivel mundial, desencadenando así el colapso de la sociedad. Por ejemplo, la sequía en Siria (2011-2015) destruyó gran parte de la agricultura y la ganadería del país, empujando a millones de personas a las ciudades y desencadenando una guerra civil de la que el mundo todavía se está recuperando. Nosotros nos enfrentamos a una crisis posiblemente cientos de veces más grave. Estar informado es estar alarmado.

Las acciones y los planes actuales son sumamente inadecuados, e incluso estas obligaciones no se están cumpliendo. El ritmo de destrucción del medio ambiente sigue de cerca el crecimiento económico, que nos lleva a extraer de la Tierra más recursos de los que se regeneran. Los gobiernos y las empresas pretenden aumentar el crecimiento y los beneficios, acelerando inevitablemente la destrucción de la vida en la Tierra.

  • Lograr la descarbonización a la escala necesaria exige un decrecimiento económico, al menos a corto plazo. Esto no requiere necesariamente una reducción del nivel de vida.
  • Para una transición justa, el coste del decrecimiento debe ser pagado por los más ricos, que se han beneficiado enormemente del actual orden mundial destructivo, mientras que otros han afrontado las consecuencias.
  • Una transición justa hacia un sistema sostenible requiere que la riqueza del 1% se utilice para el beneficio común.

El medio más eficaz para lograr un cambio sistémico en la historia moderna es la resistencia civil no violenta. Hacemos un llamamiento a académicos, científicos y al público en general para que se unan a nosotros en la desobediencia civil para exigir una descarbonización y un decrecimiento de emergencia, facilitados por la redistribución de la riqueza.

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Universidad de la Tierra : autonomía, saberes y rebeldías

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Universidad de la Tierra : autonomía, saberes y rebeldías

La idea generalizada que tenemos de la Universidad es la de un lugar en el que estudiar durante un tiempo y acabar consiguiendo un título que certifica el supuesto aprendizaje obtenido. La continua mercantilización de la enseñanza promovida por el sistema capitalista también nos lleva a pensar en la Universidad como un lugar excesivamente caro, al que solo algunos tienen la posibilidad de ingresar y en el que, finalmente, recibes un título que ya no te sirve para trabajar (y que, a veces, tampoco refleja los conocimientos adquiridos). Si pensamos en alguna facultad concreta acabamos pensando en un edificio grande, de hormigón gris, quizás adornado con un césped y formado por las últimas tecnologías (en lo que sea). A veces también pensamos en facultades que se caen a pedazos y aulas masificadas. Esto es exactamente lo que no quería el Doctor Raymundo Sánchez Barraza. El Centro Indígena de Capacitación Integral – Universidad de la Tierra (CIDECI-UniTierra) se plantea como todo lo contrario a esa concepción capitalista del aprendizaje que tan asumida tenemos. Por eso es imposible acercarse al proyecto (hoy realidad tangible) sin que se derrumben los esquemas aprehendidos. No se concibe entender el Sistema Indígena Intercultural de Aprendizaje sin la destrucción de lo establecido. Este proyecto comienza a andar en 1983, sin embargo, no es hasta 1989 que se define como autónomo. En ese año es auspiciado por el obispo de San Cristóbal de las Casas, Samuel Ruiz, conocido por su labor indigenista y de apoyo a los pueblos originarios del Estado de Chiapas. Y por ser obispo de la ciudad durante más de 40 años (hasta que el poder consiguió alejarlo de allí para que dejara de provocar fallas en el sistema). Coordinado en todo momento por Raymundo Sánchez Barraza, quién también regala su vida a la causa indigenista. En 1994 los ideales zapatistas se entroncan con los del CIDECI y no se entiende su filosofía sin ellos. Según su coordinador (quien suelta una carcajada al momento de dirigirnos a él como Rector) la denominación de Universidad es un acto de rebeldía, una respuesta a las burlas del sistema al referirse a ellos y al no considerar la capacitación que allí se recibe como un aprendizaje real. Y es que UniTierra ni es oficial ni busca el reconocimiento oficial, sino el de los pueblos y las comunidades indígenas. Indudablemente, ese ya lo tiene. Entonces “¿por qué no podemos tener el prestigio de las universidades?”, se pregunta Raymundo Sánchez.

Estructura y organización

Niños y niñas venidos de comunidades indígenas, a partir de los 12 años y con independencia de que sepan leer o escribir o de que conozcan el idioma castellano. Este es el perfil de los y las alumnas que ingresan al centro. No hay un número fijo de estudiantes en cada momento, ya que si lo normal es que se tomen cursos de (más o menos) 9 meses, jóvenes van y vienen según su disponibilidad. Pueden tomar 15 días de curso, un mes o varios años. Dependiendo de la distancia entre su comunidad y el centro, quienes allí estudian estarán internos o externos. Esto es, quienes vienen de comunidades más lejanas serán internos y harán uso de los albergues con los que cuenta el centro mientras que quienes residan en comunidades circundantes estarán externos, yendo y viniendo a sus cursos a diario. Así como el número de alumnos es variable en cada momento, lo que si se mantiene es la proporción de hombres y mujeres. Sobresalen los chicos sobre las chicas. En número, claro. También son constantes los y las estudiantes que desconocen el castellano al llegar a sus cursos. Las lenguas que predominan son el tzotsil, el tzeltal y el ch’ol; aunque son muchas más las que se cruzan en los talleres del CIDECI. Los profesores conocen esas lenguas, aunque no siempre hablan a los y las alumnas en su lengua materna, “porque si no nunca aprendemos” como dice uno de los chicos que allí desarrolla su actividad.

Los saberes que se imparten van desde cursos de tortillería y panadería (con los que se abastece el comedor en el que colaboran los y las estudiantes) hasta cursos de herrería, electricidad, carpintería y alfarería. Es gracias a la aplicación de estos aprendizajes que el centro es lo que es hoy en día, ya que ha sido totalmente construido por quienes allí estudian. Igual que la mantención del mismo. Un ejemplo, las cortinas se hacen en el taller de telares, y luego se cosen y preparan para su uso en el taller de corte y confección y luego, en el caso de que queramos que las cortinas lleven algún motivo dibujado este se hará en el taller de pintura. Así cualquier cosa que veamos en el vasto terreno del CIDECI habrá sido construida gracias a los saberes que allí se han transmitido. Todo esto sin dejar a un lado la música, mecanografía o computación, donde además se practica el arte de arreglar con las manos todos los instrumentos necesarios para estas actividades. Junto con estos saberes hay unas cuantas áreas de estudios como son: Derecho Autónomo, Arquitectura Vernácula, Agroecología, Hidrotopografía, Administración de Iniciativas y Proyectos comunitarios, Interculturalidad o Análisis de los Sistemas – Mundo. Al terminar su estancia en la UniTierra, los y las alumnas reciben apoyo en un proyecto para aplicar sus conocimientos en la comunidad de la que provienen. Así se les surte de conocimientos, asistencia y las herramientas necesarias para echar a andar sus ideas en sus comunidades. Unas ideas que luego repercutirán en sus compañeros más cercanos facilitándole o mejorándole sus vidas en comunidad ¿Cómo no considerarla Universidad, cuando quizás sea la más digna de todas?

Instalaciones y autonomía

La autonomía se respira en el aire de la Universidad de la Tierra. En el taller de zapatería se hacen los zapatos para los y las alumnas, el huerto ofrece las verduras que se cocinarán en el comedor, pero también las que sirven de alimento a los animales de la granja (conejos, borregos, ocas, cerdos, gallinas y pavos). Trabajar en el mantenimiento de estas instalaciones es la reciprocidad que ofrecen quienes allí estudian a cambio de la gratuidad lugar. Y a su vez, todo lo producido sirve para abastecer a las personas que allí residen. ¿Y la luz y el agua? Evidentemente, no vienen por parte del gobierno o de alguna institución oficial ya que lo único que se ha recibido por parte de estos ha sido un cruel hostigamiento. La CFE (Comisión Federal de Electricidad) ha merodeado por la zona de manera amenazante en busca de pagos. Eso se supera gracias a la instalación de generadores de electricidad. El agua que abastece a todos y que corre por el sistema de riego que hay instalado proviene de un profundo pozo cavado en sus terrenos. Autonomía total.


NewImageCada jueves los y las estudiantes se reúnen aquí para tratar temas de actualidad, movimientos sociales o problemas que se planteen en sus comunidades.

Lejos de tener carencias, la Universidad de la Tierra se muestra como un paraíso. Las instalaciones y su integración en la naturaleza distan mucho de lo que podemos pensar de esta universidad sin zapatos, como se autodenomina. Además de las decenas de talleres (entendidos como lugar físico), del comedor y de las construcciones que guardan los generadores; son varias las salas para seminarios y aulas que se prestan a otros movimientos sociales. Una colorida capilla se presta a la realización del culto y un enorme auditorio se abre a grandes celebraciones y tiene siempre las puertas abiertas al EZLN, quien celebró en dicho auditorio la Clausura del Primer Festival de las Resistencias y las Rebeldías Contra el Capitalismo este pasado mes de enero.

Filosofía e inspiración

Además de inspirarse en el EZLN y el obispo Samuel Ruiz, este centro por y para indígenas se asienta sobre los principios de Imanuel Wallerstein y de Iván Illich. Del primero agarran su análisis sobre el capitalismo basado en conceptos como Sistema – Mundo. Es de Iván Illich de quien beben sus concepciones acerca de la enseñanza, el aprendizaje y la desescolarización. Se olvidan del tipo de enseñanza impuesto por el capitalismo al que hacíamos referencia al comienzo de este texto y priman el aprendizaje en relación con las personas. Cómo diría Illich en La sociedad desescolarizada:

  • Los profesores de habilidades se hacen escasos por la creencia en el valor de los títulos. La certificación es una manera de manipular el mercado y es concebible sólo para una mente escolarizada. La mayoría de los profesores de artes y oficios son menos diestros, tiene menor inventiva y son menos comunicativos que los mejores artesanos y maestros.
  • La instrucción libre y rutinaria es una blasfemia subversiva para el educador ortodoxo. Ella desliga la adquisición de destrezas de la educación ‘humana’, que la escuela empaca conjuntamente, y fomenta así el aprendizaje sin título o permiso no menos que la enseñanza sin título para fines imprevisibles.

Dos citas muy prácticas para entender la filosofía del CIDECI que se basa en tres principios inquebrantables: “aprender haciendo”, “aprender a aprender” y “aprender a ser más”. Estos principios ejercen de guía principal a la vez que sirven de bola de demolición contra lo ya impuesto en materia de educación por el sistema actual. Una red entretejida por y para los indígenas de la mano del “Doc” Raymundo. “Seguir haciendo, seguir formando sin perder de vista las directrices del EZLN y de los pueblos originarios”. Porque la Universidad de la Tierra es por y para ellos.

Publicado en el blog
https://silviadistopia.wordpress.com/2015/03/05/autonomia-y-aprendizaje-en-cideci-unitierra/,
5 de marzo de 2015.

Para más información sobre los seminarios organizados por la Universidad de la
Tierra consulta las transmisiónes en vivo en el sitio:

http://seminarioscideci.org/
https://www.youtube.com/watch?v=XRzTfaieltA

Un sondage instructif sur l’Université et la Recherche françaises

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Au sortir du confinement, nous vous avons proposé de répondre à une consultation en ligne sur l’état de l’enseignement supérieur et de la recherche et ses perspectives d’avenir. En moyenne, un peu plus de 2500 personnes ont répondu à chaque question. Voici comme promis la synthèse des résultats. Le résumé ci-dessous en donne un bilan général et vous trouverez plus bas une fiche de synthèse contenant les éléments chiffrés les plus significatifs.

L’enjeu d’une telle consultation est de savoir où « nous » en sommes, c’est-à-dire « où en est le Nous » de la communauté scientifique. Tout, dans la dynamique amorcée il y a une quinzaine d’années, concourt à briser la collégialité et à faire diverger les intérêts. La rhétorique de la « co-construction », le système d’allocation des moyens, les dispositifs de précarisation subjective et objective, entretiennent notre atomisation. Le sondage en porte la trace : la défiance vis-à-vis des représentants élus, y compris des instances collégiales, est spectaculaire ; les intercesseurs traditionnels comme les sociétés savantes ne sont plus considérés par les répondants comme des acteurs ayant pris la mesure des problèmes majeurs auxquels nos métiers font face ; la majorité des répondants, eux-mêmes titulaires à 75%, reconnaissent aux titulaires une part de responsabilité dans le développement de la précarisation. Ces résultats sont le signe d’une prise de conscience individuelle qu’il s’agit maintenant d’articuler collectivement : nous constatons en nous-mêmes combien la mécanique de dépossession nous englue dans des positions professionnelles et éthiques divergentes et contradictoires, empêchant l’affirmation d’un dessein qui dépasserait les clivages entre corps de métier, statuts, entre disciplines et établissements. Redisons-le ici : cette fragmentation n’est pas un à-côté de ces réformes, mais elle en est le cœur. Reconnaître cette situation douloureuse fait donc partie du diagnostic à poser pour savoir quoi construire.

Il est d’autant plus intéressant de voir que plusieurs propositions recueillent des taux d’assentiment supérieurs à 90 voire à 95% et agglomèrent des groupes dont les réponses divergent sur d’autres sujets. Sans surprise, un tel rassemblement s’opère sur la question des recrutements sur des postes pérennes, sur celle des moyens budgétaires en général et sur le rejet de la LPPR [NdlR, Loi de programmation pluriannuelle de la recherche]. Notons que la concentration d’une éventuelle hausse des moyens financiers sur l’ANR [NdlR, Agence nationale de la recherche], qui induirait un surcroît de précarisation, fait l’objet d’un rejet tout aussi massif que la LPPR elle-même. Le consensus est également écrasant pour affirmer que la précarisation n’est aucunement neutre du point de vue de la démarche scientifique collective et en obère la qualité, un constat diamétralement opposé au point de vue du ministère et de la direction du CNRS [NdlR, Centre national de la recherche scientifique]. Il en va de même pour affirmer la centralité de l’élection, le cas échéant panachée avec des modes de désignation autre que la nomination, dans la composition des instances supervisant les normes de probation savante.

Ces premières convergences sont autant de bornes sur lesquelles la dynamique d’atomisation vient buter : tout en étant conscients de la déconstruction effective de l’intérêt commun dans les réformes, nous réaffirmons notre volonté de rester une communauté solidaire dont les pratiques sont fondées sur l’égalité statutaire, sur le règlement démocratique du dissensus, sur l’exigence de rigueur, la patience et l’écoute. L’élaboration d’une méthode de répartition des moyens, non bureaucratique et scientifiquement fondée, prenant en compte les spécificités disciplinaires, en constitue l’illustration concrète. Nous voulons l’autonomie avec les conditions matérielles qu’elle présuppose. Mais dans le même temps, nous réfutons le sophisme qui voudrait que l’autonomie savante soit l’irresponsabilité, car c’est dans les mêmes proportions que les répondants déclarent vouloir repenser leurs pratiques pour tenir compte de la crise écologique et climatique, qui impose un nouveau fonctionnement savant, plus lent, plus raisonné, plus intègre, plus lucide sur lui-même – en un mot, plus en phase avec l’idéal qui n’aurait jamais dû cesser d’être celui de la science.

Cette convergence de principes fournira la trame des réflexions que nous vous invitons à lancer sur vos lieux de travail et dans vos villes à partir de cet automne. Les journées « Refonder l’université et la recherche » du 25-26 septembre le coup d’envoi de cette réagrégation théorique d’un « Nous ».

Synthèse du sondage

Les répondants

2500 personnes ont répondu au sondage. 52% des répondants sont enseignants ou enseignants-chercheurs titulaires (dont trois présidents d’université ou d’établissement), et 24% sont chercheurs titulaires. 14% sont doctorants (contractuels, vacataires ou non-financés). Les personnels administratifs et techniques représentent 9% des répondants. Sur le plan disciplinaire, 42% des sondés exerçant une profession académique sont issus du domaines des Lettres, Langues et SHS [NdlR, Sciences humaines et sociales), 19% des sciences biomédicales et 39% du groupe science, technologie, ingénierie et mathématiques. 44% se sont déclarés femme, 54% homme. 19% ont moins de 35 ans, 60% ont entre 36 et 55 ans, 21% ont 56 ans ou plus.

Situation sanitaire dans l’enseignement supérieur

Les premières questions du sondage demandaient une appréciation de la situation sanitaire du supérieur en période de déconfinement et en prévision de la rentrée. 70% des personnes interrogées ont fait part de leur pessimisme sur la rentrée, jugeant l’organisation d’une rentrée satisfaisante difficile voire impossible. La perspective du télétravail (« distanciel ») est jugée négativement par 57% des répondants, et seulement 13% expriment une opinion positive sur cette éventualité. 80% des répondants jugent que l’enseignement et l’évaluation à distance répondent à d’autres finalités que l’enseignement et l’évaluation « en présentiel ». Enfin, 85% jugent impossible ou difficile d’organiser une rentrée respectueuse des normes sanitaires requises sans recrutements supplémentaires, non-prévus par le ministère.

Bilan des politiques menées depuis 15 ans

Le bilan scientifique tiré de la vague de réformes amorcées il y a une quinzaine d’années dans toute l’OCDE [NdlR, Organisation de développement et de coopération économiques] confirme leur échec aux yeux des scientifiques : ils ne sont qu’un tiers à considérer que la qualité des publications scientifiques a augmenté, dans le monde et en France (34% et 35%) ; une courte majorité absolue parle de stagnation voire de régression. Ce sentiment de stagnation et de régression est plus marqué concernant la France (54%) que concernant le reste du monde (50%).

Sans surprise, un grand consensus se dégage sur la question des moyens : neuf répondants sur dix jugent les moyens alloués à la recherche et à l’université insuffisants ou très insuffisants (89% pour la recherche, 91% pour l’université). Mais le consensus est tout aussi marqué sur la question du mode de management promu par les réformes, jugé négatif par 94% des répondants pour la recherche et 89% pour l’université. Dans ce contexte où 80% des répondants se déclarent suffisamment bien, voire très bien, informés sur le contenu de la LPPR, le volet managérial et statutaire de la LPPR est expressément rejeté à 81%.

Emploi et précarité

Trois questions visaient à estimer l’ampleur de la précarisation des professions scientifiques, par corps de métiers (enseignants et/ou chercheurs, personnels administratifs, personnels techniques). Au final, ces questions ont surtout permis de prendre la mesure de l’invisibilisation de cette question, avec à chaque fois plus de 30% des répondants se déclarant incapables d’estimer l’ampleur de la précarité sur leur lieu de travail – un constat qui souligne l’urgence de bilans sociaux sincères à tous les échelons, et d’une communication sur ce sujet.

Cette invisibilisation de la précarité n’empêche pas 64% des répondants d’affirmer que les cursus universitaires ne seraient pas viables sans les enseignants précaires ; ils sont 70% à penser que des tâches vitales au fonctionnement de l’ESR [NdlR, Enseignement supérieur et recherche] reposent sur des personnels non-titulaires ; 85% des répondants pensent que la précarité d’une partie des personnels affecte la production scientifique de l’ensemble ; et 40% déclarent avoir vu des recherches dans leur unité affectées par le turn-over des précaires. En conséquence, ils sont plus de 90% à rejeter les termes avancés par le ministère dans ses négociations avec certains intercesseurs syndicaux et avec les sociétés savantes (augmentation du budget de l’ANR en échange d’un soutien au volet RH [NdlR, Ressource humaine] de la LPPR). Enfin, seuls 6% des répondants jugent que le ministère a été à la hauteur des difficultés rencontrées par les précaires durant le confinement.

Concernant la prise en compte de ces difficultés par les représentants de la communauté, si les deux tiers des répondants pensent que les syndicats ont suffisamment pris la mesure du problème, un tiers seulement considère qu’il en va de même des sociétés savantes, et moins d’un quart des répondants considère que les instances élues des universités et organismes ont perçu l’importance de ce sujet.

Concernant la responsabilité de cette situation, 96% des répondants attribuent une responsabilité forte à écrasante au ministère, mais également 75% aux directions des universités et organismes de recherche et aux agences de pilotage. A l’inverse, 85% jugent que les précaires n’ont aucune responsabilité ou une responsabilité minime dans leur situation, tandis qu’ils ne sont que 9% à dédouaner de la même les personnels titulaires du sort fait aux précaires (rappelons que 76% des répondants sont eux-mêmes titulaires).

Bureaucratie ou démocratie

Le sondage confirme l’état très inquiétant de la démocratie universitaire et scientifique : 83% des sondés se jugent insuffisamment associés aux décisions budgétaires de leur établissement d’exercice, et 60% ne sont pas associés du tout. 60% des sondés sont insuffisamment associés aux décisions pédagogiques à l’université, et 67% aux décisions scientifiques.

Si le principe même de l’existence d’une instance d’évaluation comme le HCERES [NdlR, Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur] est critiqué par la moitié des répondants, contre un quart qui le juge positif, son mode de composition actuel, sans élection, ne satisfait que 2,4% des répondants. Les deux tiers des participants (65%) défendent soit l’élection intégrale, soit le panachage entre élection et tirage au sort.

Nous avons également demandé aux répondants d’estimer le nombre d’évaluations qu’ils devaient rendre chaque année pour ces instances, ce qui a fait apparaître un gouffre entre les 2,4% de répondants rendant 10 évaluations ou plus, avec un pic à 60, et le reste de la communauté, à commencer par les 55% de répondants pour qui la réponse est aucune.

Plus de 90% des répondants attribuent au ministère une responsabilité forte à écrasante dans cette situation, à parité avec les directions des universités et des organismes de recherche, tandis qu’ils ne sont « que » 86% à mettre en cause les agences et le HCERES. A noter également que 37% des répondants considèrent que les personnels scientifiques titulaires occupant des fonction de pilotage ont une responsabilité dans cette évolution.

Répartition des moyens

L’estimation des coûts de production d’un article scientifique, hors salaires, témoigne de la possibilité de répartir rationnellement les moyens de sorte que tous les chercheurs puissent travailler, en évitant la chronophagie, la bureaucratie et le conformisme inhérents aux appels à projets. Ainsi, les répondants reconnaissent une gradation des besoins depuis les lettres et sciences humaines (quelques milliers d’€) jusqu’aux sciences du vivant (centaine de milliers d’euros €), selon une croissance qui suit la part de travail d’expérimentation nécessitant du matériel coûteux. Le nombre de signataires moyens suit la même progression entre disciplines. La variabilité des réponses témoigne de ce qu’une distribution strictement déterminée par le champ disciplinaire demeure, possiblement, légèrement sous-optimale. Cependant, elle constitue une première approximation qui permettrait de répartir efficacement l’essentiel des moyens.

Publications

Le diagnostic sévère porté sur l’évolution qualitative des publications trouve son corollaire dans le fait que la moitié des répondants (50%) avoue publier épisodiquement ou régulièrement des travaux inaboutis. 14% déclarent aussi l’avoir fait “une fois”. Plus des deux tiers (68%) disent ne pas avoir le temps de suivre l’état de la recherche dans leur domaine.

Concernant le financement des publications, près des deux tiers des répondants (64%) n’ont jamais fait payer de frais à leur institution pour publier un article dans une revue. Concernant les revues en Open Access, ils sont 53% à n’avoir jamais payé pour être publié, sur 85% de répondants ayant déjà publié en Open Access. Ce modèle de prédation reste donc largement extérieur aux pratiques scientifiques en France. Il est d’ailleurs jugé négativement par 89% des répondants.

A contrario, 57% des répondants se sont déjà procuré des publications sur des sites de piratage et 63% souhaiteraient que les associations savantes reprennent le contrôle des publications, quitte à en supporter les coûts (ils ne sont que 6% à s’y opposer).

Les métiers scientifiques et la crise écologique

La dernière série de questions visait à sonder la communauté scientifique sur la prise en compte de la crise écologique dans la formulation des priorités d’une politique scientifique.

Il en ressort que 84% des répondants pensent que la crise écologique et climatique doit entraîner une modifications des pratiques scientifiques ; 76% pensent que les pratiques actuelles induisent des déplacements trop nombreux et 81% estiment que la réduction de l’empreinte carbone des activités scientifiques doit devenir une priorité dans l’établissement des politiques universitaires et de recherche.

 

Première publication le 14 septembre 2020 sur
http://rogueesr.fr/sondage-rogueesr/

L’université française : mort sur ordonnance ?

 

fr-FR

Pendant que les regards se portaient sur Parcoursup, le gouvernement travaillait à remettre en cause les fondements mêmes du modèle de l’université française. Cette réforme a abouti mi-décembre 2018 avec l’adoption d’une ordonnance permettant aux universités de devenir des « établissements expérimentaux » qui dérogent au droit qui encadrait jusqu’à présent l’organisation et le mode de fonctionnement des universités. Cette ordonnance est l’aboutissement d’un long processus ; pour comprendre ce qui se joue, il nous faut effectuer un retour en arrière : 1968 et les réformes de ces dix dernières années.

Vers la fin d’un modèle organisationnel uniforme et démocratique ?

Lois Faure et Savary

L’université est un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) fondé sur deux lois : la Loi Edgar Faure votée en novembre 1968 suite aux événements de Mai 68 et la loi Savary votée en 1984. L’objectif de la loi Faure était de créer des universités pluridisciplinaires (au lieu des facultés disciplinaires précédentes) structurées en Unités d’enseignement et de recherche (UER qui furent remplacées par des UFR, Unités de formation et de recherche, dans le cadre de la loi Savary). On y parle déjà d’autonomie administrative (détermination de leurs statuts et de leur organisation interne), pédagogique (en particulier dans le cadre des diplômes d’universités ou DU à côté des diplômes nationaux) et budgétaire, mais cette dernière sera très encadrée. Dans les facultés précédentes, seuls les Professeurs d’université siégeaient dans les conseils. Dans les nouvelles universités, le président est élu parmi les enseignants-chercheurs ; les conseils centraux comprennent des représentants des Professeurs d’université, des assistants et maîtres assistants (les ancêtres des maîtres de conférence), du personnel non-enseignant, des étudiants et des « personnalités extérieures ». Cette évolution, menée au nom de la participation, n’est pas propre à la France mais n’est pas présente dans tous les pays occidentaux, en Angleterre par exemple les conseils ne comprennent le plus souvent que des représentants des enseignants-chercheurs. On retrouve cette participation au niveau des conseils d’UFR et de départements. 

Depuis la loi Savary, le conseil d’administration (cf. tableau ci-après) comprend de 30 à 60 membres (la plupart des universités ont opté pour des CA de près de 60 membres) : 40 à 45 % de représentants des enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs ; 20 à 30 % de personnalités extérieures ; 20 à 25 % de représentants des étudiants ; 10 à 15 % de représentants des personnels non-enseignants. Le président est élu par les trois conseils, mais les personnalités extérieures sont proposées ou nommées après les élections du président.

Nous avons donc affaire à une entité publique à organisation interne démocratique sous la direction des enseignants-chercheurs (directeur de département, directeur d’UFR et président sont des enseignants-chercheurs) ; une organisation qui, s’y on y ajoute ses missions de diffusion des savoirs et de démocratisation de l’enseignement supérieur, était, au moins juridiquement et idéalement, une institution progressiste. Bien sûr, on pouvait faire de nombreuses critiques à ses modes de fonctionnement concrets, en particulier dire que les universités ne se sont jamais vraiment données les moyens de mettre en œuvre ce fonctionnement démocratique, en informant très peu sur ces caractéristiques – d’où un faible taux de participation étudiante aux élections –, en reconnaissant très peu le temps de travail généré par la fonction d’élu et en négligeant la formation des élus alors que les dossiers devenaient de plus en plus complexes – d’où une désaffection rapide des élus, en particulier côté étudiants, mais pas seulement.

À ce tableau doit être ajoutée une spécificité française : les universités partagent le champ public de l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) avec d’une part les instituts de recherche (dont le CNRS), et d’autre part les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), intégrées dans les lycées, et les grandes écoles (écoles normales supérieures, école Polytechnique, des Mines, ENA, etc.). Cette séparation, en particulier entre université et CNRS, serait une des causes de notre faiblesse dans le classement de Shanghai (élaboré à partir de 2003).

Loi LRU et loi Fioraso

La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU ou loi d’autonomie des universités) est votée à l’été 2007 quand Nicolas Sarkozy arrive à la présidence, Valérie Pécresse étant alors ministre de l’ESR. On en retiendra ici trois éléments. Premièrement, partant du principe que le trop grand nombre de membres du CA crée lenteur et inefficacité, elle diminue ce nombre et accorde plus de poids aux personnalités extérieures. Les CA comprennent ainsi 20 à 30 membres (cf. tableau ci-après) ; une prime à la majorité est introduite : la moitié des sièges à pourvoir est attribuée à la liste majoritaire, le reste des sièges étant réparti à la proportionnelle. Deuxièmement, elle accorde beaucoup plus de pouvoirs au président qui n’est plus élu par les trois conseils (Loi Savary) mais par le seul CA. Troisièmement, elle accorde « l’autonomie budgétaire » par le « budget global » (comprenant la masse salariale, soit les salaires de tout le personnel statutaire, alors qu’auparavant les salaires des titulaires étaient pris en charge par le ministère et n’entraient pas dans le budget des universités).

La loi dite Fioraso – alors ministre de l’ESR sous la présidence de François Hollande – votée en 2013 augmente le nombre des représentants maximal de chaque catégorie au CA (cf. tableau ci-après) d’une à trois personnes ; la prime à la liste majoritaire est amoindrie mais maintenue. Le président est toujours élu simplement par le CA, mais les personnalités extérieures prennent dorénavant part à son élection (et pareillement au sein des conseils d’UFR).

Composition du CA

 

Enseignants-Chercheurs

Personnalités

extérieures

Étudiants

Personnel non-enseignant

Total

Université avant la LRU

12 à 27

6 à 18

6 à 15

3 à 9

30 à 60

Université après la LRU

8 à 14

7 ou 8

3 à 5

2 ou 3

20 à 30

Université après la Loi Fioraso

8 à 16

8

4 ou 6

4 ou 6

24 à 36

La création de nouvelles structures 

La notion de « site » est promue à partir de la fin des années 1990 et s’impose progressivement par la création des PRES (Pôles de recherche et d’enseignement supérieur) à partir de 2006. Les établissements situés dans une proximité géographique sont fortement incités à s’associer sous forme de PRES car certains financements ne sont disponibles que pour les PRES, et en particulier pour ceux se donnant comme objectif une fusion. Les premiers projets de fusion d’universités prennent corps dans la première moitié des années 2000 et se concrétisent en 2009 (Université de Strasbourg), 2012 (Université de Loraine et Aix-Marseille Université), 2014 (Bordeaux), 2015 (Montpellier), 2016 (Grenoble). La loi Fioraso rendra obligatoire pour tous les établissements de l’ESR relevant du ministère de l’ESR (universités, certaines grandes écoles, certains organismes de recherche dont le CNRS) l’appartenance à un regroupement d’établissements sous forme de fusion, d’appartenance ou d’association à une Comue (Communauté d’universités et établissements). Les modes de regroupements, d’organisation interne, de délégation de compétences sont très divers d’une Comue à l’autre ; on a clairement abandonné le modèle d’organisation unique.

La création de ces nouvelles structures visaient la création de synergies locales, le dépassement des frontières universités/CNRS/grandes écoles et/ou la création d’empires universitaires dans l’objectif annoncé dès 2007 dans la lettre de mission de N. Sarkozy à V. Pécresse « d’amélioration du rang de nos établissements d’enseignement supérieur dans les classements internationaux », puis de « faire émerger sur le territoire français 5 à 10 pôles pluridisciplinaires d’excellence de rang mondial ».

De ces deux phénomènes LRU et fusion, l’évolution de la représentation au sein d’une université fusionnée, telle que celle d’Aix-Marseille issue de trois universités, si l’on s’en tient au seul CA, est la suivante :

Composition des CA à Aix-Marseille

 

Enseignants-Chercheurs

Personnalités

extérieures

Étudiants

Personnel non-enseignant

Total

Aix-Marseille 1 avant application de la LRU1

12 à 27

6 à 18

6 à 15

3 à 9

30 à 60

Aix-Marseille 2 avant application de la LRU1

12 à 27

6 à 18

6 à 15

3 à 9

30 à 60

Aix-Marseille 3 avant application de la LRU1

12 à 27

6 à 18

6 à 15

3 à 9

30 à 60

Total avant application de la LRU

36 à 81

18 à 54

18 à 45

9 à 27

90 à 180

Aix-Marseille Université en 2018

(75 000 étudiants, 8 000 personnels)

16

8

6

6

36

(dont 83% d’élus des personnels et usagers

1 N’ayant pas retrouvé la composition réelle de chaque CA avant la fusion, nous nous basons sur le cadre de la loi Savary.

On voit clairement la réduction du nombre des élus et du nombre de personnalités extérieures, et donc la diminution de la représentation de la diversité des membres de la communauté universitaire et de ses partenaires, d’autant que l’on retrouve le même phénomène aux niveaux « inférieurs » de l’organisation avec la diminution du nombre d’UFR par rapport à la situation avant fusion.

PIA3, Loi Confiance et ordonnance du 12 décembre 2018

Les dernières évolutions vont beaucoup plus loin. L’utilisation du Grand Emprunt comme levier pour redessiner le paysage universitaire français se confirme avec le PIA 3 (Troisième vague du Grand Emprunt ou Plan d’investissement d’avenir n°3). Lancé en février 2017 (sous la présidence de F. Hollande), il comporte plusieurs volets. Comme pour chaque PIA, ce sont des financements sur appel à projets. Le PIA 3 comporte une « action » « Grandes universités de recherche », le mot d’ordre est à la « simplification institutionnelle », à « l’expérimentation de modes d’organisation » et à la « construction d’université de type nouveau ». Le PIA 3 comporte également un appel « écoles universitaires de recherche » (EUR), qui rassembleront des formations de master et doctorat et des laboratoires de recherche.

La loi du 10 août 2018 « pour un État au service d’une société de confiance », ensemble de choses très disparates (dont le droit à l’erreur pour le contribuable), comporte un article 52 : « le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi destinées à expérimenter de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche ». L’« avant-projet d’ordonnance » a été dévoilé par la presse début septembre, un nouvel avant-projet a été rendu public le 8 octobre, présenté en Conseil des ministres le 12 décembre et publié au Journal officiel le lendemain, 13 décembre. Comme l’indiquait dès le 15 octobre la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal : « L’objectif est une publication avant la fin du mois de décembre pour que les établissements puissent s’en saisir dès le début de l’année 2019 ». Ces « établissements expérimentaux » pourront regrouper ou fusionner des établissements de l’ESR publics et privés ; on va ainsi plus loin que le dépassement des frontières universités/CNRS/grandes écoles. Leur organisation sera fixée par leurs statuts (aucune référence à des UFR ou à un mode particulier de structuration interne), tout comme le titre, mode de désignation, et compétences du chef d’établissement (la limite d’âge de 68 ans disparaît). La composition de leur CA (« ou de l’organe en tenant lieu ») est cadrée a minima : « au moins 40% de représentants élus des personnels et usagers, ainsi que des personnalités extérieures. Il peut comprendre d’autres catégories de membres ». 40% de représentants élus, ils seraient donc minoritaires et représenteraient moins de la moitié de ce qu’ils représentent dans le cadre de la loi Fioraso (cf tableau ci-dessus). On peut se demander quelles seraient les « autres catégories de membres » : ni des représentants élus des personnels et usagers ni des personnalités extérieures, donc à priori des membres de la communauté universitaire ou éducative non élus, donc nommés (par qui ?). Les conséquences de la coexistence d’établissements publics et privés sur la gestion des personnels et sur le droit à délivrer les diplômes nationaux restent largement indéterminées.

Comme l’indique Emmanuel Roux, président de l’Université de Nîmes à la tête de la commission juridique de la CPU (Conférence des présidents d’université) : « le président de l’établissement peut ne pas être enseignant-chercheur, il peut ne pas être élu, exercer un nombre de mandats illimités d’une durée de cinq ans. Il n’y a pas de nombre minimal ou maximal de membres du CA ». Au bout de deux ans, l’établissement peut demander à sortir de ce statut dérogatoire pour accéder, par exemple, à celui de « grand établissement ».

Grand établissement
Les grands établissements ont été créés par la loi Savary, ils peuvent déroger au droit commun des EPSCP, leurs règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d’État. Les premiers établissements qui prennent ce statut sont le Collège de France, le CNAM, l’EHESS, Sciences Po Paris, etc. ; des universités les ont rejoints plus récemment : l’Université Paris-Dauphine, l’Université de Lorraine. Afin de réduire le recours à ce statut, la loi Fioraso le limitait à « des établissements de fondation ancienne et présentant des spécificités liées à leur histoire », ou bien « à des établissements dont l’offre de formation ne comporte pas la délivrance de diplômes pour les trois cycles de l'enseignement supérieur ».

Le CNESER (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) du 16 octobre a voté majoritairement contre le projet d’ordonnance : 46 contre, 9 pour et 8 abstentions, tout comme le CTMESR (Comité technique ministériel de l’enseignement supérieur et de la recherche) du 6 novembre (11 voix contre et 2 abstentions) ; mais leurs avis ne sont que consultatifs.

D’après la ministre interviewée le 15 octobre : « De nombreux sites se sont déjà manifestés (pour s’inscrire dans le projet d’ordonnance) et ils sont très divers. Nous avons bien sûr des demandes qui émanent des établissements qui ont été lauréats des PIA, Idex et Isite. (…) Mais il y aussi beaucoup d’intérêt du côté des sites qui tirent parti de l’ordonnance pour formaliser les relations qu’ils avaient déjà avec des écoles ou des Comue qui souhaitent évoluer ».

Parmi les lauréats des PIA, l’Université de Paris (regroupant Paris 5, 7 et l’IPGP) devrait voir le jour dans ce cadre au 1er avril 2019, l’Université de Lyon et l’Université Côte d’Azur (UCA) – pour l’instant des Comue – au 1er janvier 2020, tout comme l’Université intégrée de Grenoble. Le choix de l’UCA a été présenté en début d’année 2018 aux membres de l’université, elle serait constituée de « collèges universitaires préparatoires » qui gèreraient les licences, d’EUR qui gèreraient les masters et doctorats ; aucune mention des UFR, le conseil de l’UFR Lettres Arts et Sciences humaines de l’UCA a voté une motion en janvier demandant à ce que la constitution de ce grand établissement ne soit pas fondé sur la suppression des UFR (et donc de leurs conseils élus). La même crainte est exprimée par la Conférence des doyens et directeurs des UFR scientifiques (CDUS) à propos de l’Université de Lyon. Des Comue regroupant de plus petites universités ont également fait part de leur souhait d’aller vers le statut d’établissement dérogatoire : la Comue Bourgogne Franche Comté, la Comue Normandie Université, les universités du Mans et d’Angers, etc.

Vers la fin d’un modèle de financement ?

Sous-financement chronique

Selon France Stratégie, « la dépense moyenne par étudiant est en France à un niveau proche de la moyenne de l’OCDE (un peu plus de 15 000 USD/an), mais bien inférieure aux niveaux atteints par les pays qui dépensent le plus (Canada, États-Unis, Norvège, Suède, Royaume-Uni, Suisse, pays où cette dépense dépasse les 20 000 USD) et par les pays les plus ‘performants’ (18 000 USD en moyenne) ». Cette moyenne cache par ailleurs des différences de situations importantes, déjà entre universités et classes préparatoires aux grandes écoles : en 2016 environ 10 000 € par an pour un étudiant à l’université et environ 15 000 pour un étudiant en classes préparatoires aux grandes écoles. La moyenne universitaire cache également des disparités importantes entre BTS et filières universitaires et au sein de ces dernières entre disciplines : les UFR et filières de droit/éco/gestion et arts/lettres/langues et sciences humaines étant moins bien loties que celles de sciences et de médecine. Malgré un discours ministériel égalitaire, les inégalités étaient importantes entre UFR et universités (selon leur dominante Droit, LSH ou sciences), le monde universitaire était donc lui-même divisé et hiérarchisé.

Ce sous-financement signifie un sous-encadrement enseignant et administratif. En 2007, tous les acteurs (dont la Conférence des Présidents d’Université et le ministère) reconnaissaient la nécessité d’une augmentation de budget d’un milliard par an, hors recherche, sur au moins 5 ans pour remédier à ce sous-financement. En novembre 2007, un protocole-cadre signé entre le Premier ministre et la CPU prévoyait ce financement, mais l’engagement n’a pas été tenu. Depuis 2012, le budget de l’enseignement supérieur est, en euros constants en stagnation, alors que le nombre d’étudiants a augmenté en 10 ans de plus de 400 000 individus. Thomas Piketty a estimé que le budget par étudiant a diminué de près de 10% entre 2008 et 2018. Le budget 2019 pour l’enseignement supérieur et la recherche universitaire prévoit une augmentation de 166 millions soit + 1,2%, moins que l’inflation (prévue au minimum à 1,3%), donc un budget qui va continuer à stagner ou baisser en euros constants et une dépense par étudiant qui va continuer à baisser, d’autant que le ministère prévoit au minimum 30 000 étudiants (l’équivalent d’une grosse université moyenne) supplémentaires par an pour les cinq prochaines années.

Ces questions de sous-financement et sous-encadrement enseignant et administratif de l’université n’ont pas été abordées dans le cadre de la loi ORE pour laquelle le gouvernement a considéré que le problème était essentiellement celui de la « mauvaise orientation ». Or ce sous-financement a été aggravé par la dévolution de la masse salariale aux universités dans le cadre de la loi LRU avec un « Glissement vieillesse technicité » (GVT) sous-évalué et sous-financé par l’État.

Mise en compétition

La mise en compétition des universités en matière de financement s’est réalisée par la mise en place d’un financement à la performance et d’un financement par projets.

Le financement à la performance est introduit en 2009, dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques, par un nouveau modèle de répartition du budget « récurrent » appelé Sympa (SYstème de répartition des Moyens à la Performance et à l’Activité) : la somme allouée par le ministère à chaque université est calculée à partir d’un certain nombre d’indicateurs de « performance », tel que le taux de réussite en licence, le nombre d’enseignants chercheurs « publiants », etc. Comme cette répartition se réalise sur la base d’un budget national non extensible, la meilleure « performance » et l’augmentation de budget des uns signifie une baisse de budget des autres, il ne suffit donc pas d’être très « performant » mais il faut être plus performant que son voisin, au sens où la performance a été définie. Ce modèle Sympa a été mis en sommeil en 2013, on ne connaît pas aujourd’hui les critères de répartition du budget. Avant Sympa, le budget était réparti sur la base des « normes San Remo » dans une optique plutôt de traitement égalitaire, et en fonction des besoins : nombre d’étudiants, nombre de personnel (enseignants-chercheurs et non-enseignants), nombre de m2 à entretenir…

Le financement par projets s’est installé d’abord en matière de recherche, rappelons que c’était une des raisons de la grève des chercheurs de 2003 et de la création de Sauvons la Recherche. Il s’est ensuite développé dans le cadre des « ressources extra-budgétaires », soit hors budget alloué par Sympa : Plan Campus (2007-2008) et Grand Emprunt (PIA 1, 2 et 3 lancés en 2010, 2015 et 2017, et leurs « politiques d’excellence » : Idex, Labex…). Depuis le PIA3, ce financement par projet s’est étendu à la formation : « développer l’innovation pédagogique », « nouveaux cursus à l’université ».

À noter que ces deux formes de mise en compétition ont été développées en interne dans de très nombreuses universités.

Université, pour tousOn change ainsi de logique : d’un financement, certes insuffisant, mais défini en fonction des besoins, on passe à un financement en fonction de la performance et de l’excellence. L’égalité de traitement n’est plus revendiquée, même si elle n’était pas complètement en œuvre, c’est la spécialisation et la différenciation qui sont recherchées et célébrées. Le financement par projet signifie du temps de travail très important pour monter ces projets, particulièrement complexes pour les PIA ; c’est un mode de financement consommateur de ressources pour des montants qui au bout du compte ne semblent pas si importants que cela, d’autant que plusieurs universités ont recruté des cabinets privés pour les aider à monter ces projets : l’Université de Lyon a ainsi attribué en mai 2018 quatre lots de marchés publics à deux cabinets de consultants d’un montant de 900 000€ pour l’accompagner sur deux ans dans la mise en place de son nouvel établissement. Ces deux modes de financement ont finalement des effets de concentration des ressources sur ceux qui étaient souvent au départ déjà les mieux dotés. Le rapport du Comité Action publique (CAP) 2022 appelle à les développer, à rendre les financements « plus incitatifs » et imaginent que les appels à projets puissent se substituer intégralement aux subventions actuelles.

De manière générale, les universités sont d’autre part confrontées à des transferts de ressources entre leurs différentes activités, en lien avec la LRU (renforcements des fonctions DRH, finance et juridique qui ont nécessité une augmentation du personnel dédié, certification des comptes par des cabinets privés), en lien avec la politique de différenciation-positionnement-attractivité (augmentation des budgets communication par exemple, labellisation de différents ordres). On peut sur ces derniers points parler de processus de prédation des ressources publiques. Il faudrait pouvoir mieux mesurer ces transferts de ressources et ces processus de prédation, c’est un de mes projets de recherche. On peut en tout cas s’attendre à ce qu’ils se développent : l’Université de Lyon (UL) rémunère ainsi la participation des personnalités extérieures à son Scientific Advisory Board : sa présidente, directrice du cabinet consultant Reichert Higher Education Consulting, a ainsi reçu 10 000€ pour la réunion du 15 novembre 2017 (correspondant d’après l’arrêté signé par le président de l’UL à 40h de travail) tandis que les quatre autres membres externes recevaient entre 2500 et 4000 €. Le fait que les directeurs des établissements dérogatoires ne soient plus forcément des enseignants-chercheurs ne pose pas seulement une question de collégialité : s’ils ne sont pas fonctionnaires quel sera leur niveau de salaire (non soumis à la grille de la fonction publique) ? Le salaire de certains présidents de Comue avaient déjà surpris : tel celui du président de la Comue Paris Sciences et Lettres de 2015 à 2017 qui était de l’ordre de 150 000€ nets annuels. Cela rappelle les mécanismes d’extraction des profits de leurs universités mis en place par les vice-chancelors à partir des années 2000 en Angleterre, mais aussi aux États-Unis, en Australie, etc.

Tout cela, rappelons-le, dans un contexte de sous-financement chronique alourdi par la LRU. Face à cela, les universités font le choix très contraint de geler et/ou, pour les postes d’enseignants-chercheurs, « atériser » ou contractualiser des postes, il y a donc eu le développement d’emplois de non-fonctionnaires de différentes formes. La LRU avait déjà permis l’embauche de maîtres de conférences (MCF) contractuels ; les nouveaux établissements dans le cadre du PIA3 vont renforcer cela : plusieurs des dossiers de candidature font état d’embauche sous forme de « MCF tenure tracks » (a minima les projets de Lille et de Lyon) que l’on pourrait traduire par « titularisation conditionnelle après une période d’essai », aux États Unis cette période est souvent de 6 ans pour une titularisation d’environ 50%, à Sciences Po Paris qui a adopté cette modalité de recrutement depuis 2009 elle est, au maximum, de 7 à 9 ans.

Augmentation des ressources propres

Depuis de nombreuses années, le ministère incite les universités à augmenter leurs « ressources propres » : contrats de recherche, prestations de formation continue, diverses prestations de service. Quid alors des droits d’inscription ? Le gouvernement a annoncé le 19 novembre leur augmentation pour les étudiants extracommunautaires, les passant de 170€ à 2 770 €/an pour le niveau Licence et de 243€ / 380€ à 3 770 €/an pour les niveaux Master/Doctorat. On le savait peu mais la libre fixation par chaque université des droits d’inscription pour ses étudiants étrangers hors Union européenne avait été rendue possible par un décret du 30 avril 2002 ; leur augmentation annoncée ne semble pas nécessiter de vote parlementaire, elle figure déjà sur Campusfrance.org, le site officiel du gouvernement à destination des étudiants étrangers. On pourrait penser qu’un tel choix ne remet pas en cause les principes d’un financement basé sur la subvention de l’État financée par l’impôt, puisque les parents de ces étudiants ne paient pas d’impôts en France ou en Europe. N’oublions pas toutefois deux éléments. Premièrement, cette décision prise en Angleterre en 1979 sous le gouvernement de Margaret Thatcher a constitué le premier pas de l’augmentation des droits d’inscription pour tous (aujourd’hui £9 000 annuels pour les étudiants anglais et européens, du moins jusqu’à la mise en œuvre du Brexit). Deuxièmement, une telle décision transforme foncièrement les pratiques et les choix des universités, elle les fait entrer dans une logique de marché : attirer le plus possible de ces étudiants, donc faire de la communication, de la publicité, etc.

Université, on privatiseQuant aux droits d’inscription des étudiants français et européens, la Cour des comptes a réalisé, à la demande du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, un rapport rendu public fin novembre 2018. Pour la Cour, le scénario le plus « réaliste et acceptable » serait celui d’une « hausse modulée des droits en fonction du cycle d’études », « en priorité en master ». Le premier ministre a déclaré le 21 novembre que ce n’était pas le projet du gouvernement. Mais la possibilité existe déjà à travers les diplômes d’universités (DU) ou diplômes d’établissements (DE), possibilité à laquelle pourraient recourir de nombreux établissements dérogatoires pendant leur phase transitoire puis en tant que grand établissement. C’est le cas de l’Université Côte d’Azur (UCA) qui a mis en place à la rentrée 2018 onze diplômes d’établissements au niveau Bac+5 (des MSc ou Master of Science) à 4000 € de frais d’inscription annuels, dont certains seraient venus en remplacement de diplômes nationaux de Masters rattachés à l’Université de Nice Sophia Antipolis, mais enseignés en anglais ; y enseignent des enseignants-chercheurs de l’université (sur leur service ?) et des enseignants de l’école privée Skema Business School, membre à venir du nouvel établissement. Comme l’indique l’UCA, « un étudiant ayant obtenu un DE Idex peut demander la validation d’une équivalence vers un diplôme national (tel qu’un master) suivant la procédure dite de « validation des études supérieures » (VES). Cette validation réalisée par une commission mixte, composée du directeur de Master dans un domaine disciplinaire équivalent et d’enseignants chercheurs de l’université est une possibilité offerte qui n’est pas systématique ». Le CNESER a rejeté l’accréditation des masters et doctorats de l’UCA le 14 février 2018, mais son avis n’est que consultatif. Ce procédé d’instauration de frais de scolarité élevés ne nécessite donc aucun changement législatif, on peut s’attendre à ce qu’il se développe dans le cadre des établissements dérogatoires, non seulement au niveau Bac+5 mais également au niveau Bac+3 car plusieurs candidatures « Grandes universités de recherche » annoncent la création de « bachelors ».

Soulignons, pour terminer cette partie « économique », que cette non augmentation du budget (et sa diminution par étudiant) est un choix politique et non une « simple » contrainte liée au déficit de l’État, car ces dix dernières années correspondent également au choix continu de laisser augmenter les « dépenses fiscales » (ou réductions d’impôts), en particulier le Crédit impôt recherche (CIR) qui bénéficie surtout aux grandes entreprises et aurait largement bénéficié au secteur des services (banques, assurance, conseil…) ; la Cour des comptes a réalisé il y a déjà cinq ans un rapport très critique en la matière. Pour 2017, le CIR serait d’au moins 5,7 milliards, soit presque la moitié du budget de toutes les universités et assimilés de France masse salariale comprise (un peu plus de 13 milliards).

Conclusion

Un certain nombre d’éléments étaient déjà en place (arrêté concernant les droits d’inscription des étudiants étrangers, validation des études supérieures, etc.), d’autres au cœur de ce qui a fait l’université française : l’accès pour tout bachelier, le statut d’université avec son mode d’organisation démocratique et collégial, le statut de fonctionnaire d’une grande partie de ses personnels, et le montant des droits d’inscription extrêmement bas et décidé par arrêté ministériel, sont en train d’être détruits par contournement. Nous sommes à l’aube d’une transformation radicale des universités françaises, processus qui pourrait être très rapide.

La candidature de Toulouse au PIA 3, non retenue, était très claire quand elle expliquait, en septembre 2016, son choix du statut de « grand établissement » : « Le statut de grand établissement permet de déroger au droit commun des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) (…). Les grands établissements sont créés par décret en conseil d’État ; ce décret devient la charte de l’établissement. Ce statut peut présenter des spécificités portant sur la nomination du directeur, la présence importante de personnalités extérieures au sein du conseil d’administration, l’allocation directe (ou non) des dotations, la sélection des étudiants à l’entrée des formations, la possibilité de délivrer des diplômes propres et des mastères spécialisés soumis à des frais d’inscription différents de ceux des diplômes nationaux, les relations avec les milieux professionnels ».

Il s’agit indubitablement d’un nouveau modèle. Pour ceux qui le trouvent inacceptable, que faire ? Déjà être informés, c’est l’objectif de ce texte. Du fait de l’ordonnance, le processus échappe au débat parlementaire, les transformations seront locales, réglées au cas par cas sans grande publicité ; tout est fait pour désamorcer la contestation et rendre la lutte collective difficile.

Corine Eyraud est maître conférences en sociologie à l’Université d’Aix-Marseille et chercheuse au Laboratoire d’Économie et de Sociologie du Travail (LEST). Son article, dans sa version complète, a été publié dans le n° 47 de la revue Savoir/Agir http://www.editions-croquant.org/les-collections/product/534-pdf-revue-savoir-agir-n-47 et nous remercions vivement son comité de rédaction qui en a autorisé la diffusion. Le texte intégral peut également être téléchargé sur http://www.lest.cnrs.fr/spip.php?article1202